AAH : Quand l’État se fait pickpocket
Le projet de loi de finances prévoit de diminuer des aides pour les adultes en incapacité de travailler, lorsqu’ils ont un Livret A. Une pétition a déjà réuni 20 000 signatures.
Paniqué, il a clôturé son Livret A et transféré ses 13 500 euros d’économies sur son compte courant. «Cet argent, je l’ai mis de côté pour m’aider si ma maladie s’aggrave.» Thierry, 31 ans, vit avec une allocation aux adultes handicapés (AAH) mensuelle de 808 euros, à laquelle s’ajoutent 180 euros versés aux personnes, comme lui, en incapacité totale de travailler. Si maigres soient-elles, ces ressources vont être réduites.
Lors de l’examen du projet de loi de finances 2016, les députés ont voté en première lecture une mesure décomptant de l’AAH les intérêts perçus des comptes épargne (Livret A, plan épargne logement…). En d’autres termes, le montant de l’allocation va baisser pour les personnes ayant un peu d’argent de côté. Justification avancée par Bercy : les autres minima (RSA et minimum vieillesse) étant calculés ainsi, il n’y a pas de raison que l’AAH, dont bénéficient un million de personnes pour un coût de 8,5 milliards d’euros, échappe à la règle. Et tant pis si l’on parle ici de personnes handicapées… L’Association des paralysés de France (APF) a lancé une pétition, qui a déjà recueilli plus de 20 000 signatures.
Equation.
«Cet argent n’est pas amassé sur le dos de l’Etat. Il est souvent placé par les parents, très angoissés du jour où ils ne seront plus là», rappelle Véronique Bustreel, conseillère ressources de l’association. Mais il y a plus grave encore, alerte-t-elle. Car en l’état actuel du texte (ce point sera discuté ce mardi dans l’hémicycle), les conséquences de cette mesure seraient désastreuses pour les 210 000 personnes ayant plus de 80 % d’invalidité qui, comme Thierry, touchent en plus de l’AAH un complément pour les aider à se loger. Celui-ci n’est versé qu’aux personnes dans l’incapacité totale de travailler, et qui ont donc l’AAH comme unique ressource. Mais si demain les comptes épargne entrent dans l’équation, il suffira de toucher un malheureux petit euro d’intérêt par an (dès 133 euros d’épargne sur un Livret A) pour perdre la totalité de ce complément chaque mois ! Soit une perte de 1 257 à 2 152 euros par an.
«Faute».
«L’objectif n’est pas de pénaliser une personne qui aurait quelques centaines d’euros sur son Livret A, et une vigilance particulière accompagnera la mise en œuvre de cette mesure pour qu’elle soit équitable et concertée. Il faudra lisser les effets de seuil», a voulu rassurer la secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées, Ségolène Neuville, entendue en commission la semaine dernière. «Mais c’est une faute politique grave, s’indigne Véronique Bustreel. Les gens vivent ça comme une injustice de plus.» Cette histoire d’allocation s’ajoute notamment à la reculade sur l’accessibilité des lieux recevant du public, inscrite dans la loi de 2005 et une nouvelle fois reportée. A ces contentieux en pagaille avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui décident de la pluie et du beau temps : suppression soudaine des allocations, diminution du nombre d’heures d’aides humaines et disparité de traitement selon les départements. «J’ai de plus en plus de clients qui se voient refuser leurs droits au moment de leur renouvellement, affirme l’avocat Alexis Ridray. Les MDPH, en charge de l’évaluation des besoins, sont sous la tutelle des départements. Des décisions qui sont souvent motivées par des raisons budgétaires.»